Juste à temps pour lire près du sapin avec un chocolat ou un verre de vin chaud. Bonnes fêtes à toutes et tous ! 🎄
🚧 Concevoir avec la défaillance
Dans le champ de l’écologie, l’effondrement technologique est un imaginaire fréquemment mobilisé. À l’opposé, les tenants de la numérisation promettent fluidité et disponibilité en toute heure et tout lieu.
Bien sûr, en informatique, les enjeux de robustesse ou de résilience face aux pannes sont des questions prégnantes. Ces dernières coûtent cher quand elles adviennent, et de nombreux efforts sont faits pour anticiper et éviter leur venue.
Des efforts qui, poussés à l’extrême, pèsent économiquement mais aussi écologiquement. Par exemple, la construction des data centers, est quasi centrée autour de la question du taux d’indisponibilité. En effet, la plupart du travail d’un opérateur de centre de données consiste à réduire au maximum ce temps (pour cause d’opérations de maintenance, de coupures électriques, etc). Le niveau 1 garantit une indisponibilité inférieure à 0,33%, soit moins de 30h par an, tandis que les niveaux les plus élevés garantissent un taux inférieur à 0,02%, soit moins de 2h par an. Pour gagner ces quelques heures ou minutes sur une indisponibilité déjà faible, les entreprises mettent en place des moyens colossaux (postes de secours électriques, cuves d’eau et fioul, batteries, doublement du serveur) augmentant de facto leur empreinte. Accepter ou non 3 min de défaillance par jour s’accompagne de réels effets écologiques.
Derrière cet exemple il est question de reconsidérer le monde tel qu’il est, à rebours des promesses d’absence de friction. Notre difficulté à reconnaître la normalité de la fragilité, nous empêche de la mettre à sa juste place lors de la conception. C’est ce que notaient Mathilde Bourrier et Nicolas Nova dans (En)quêtes de pannes : “les cas où les pannes sont acceptées, non comme une calamité éternellement surprenante, mais comme relevant du registre du normal et de l’attendu, demeurent l’exception”. Dès lors il ne s’agit plus pour les designers de voir la panne ou la friction comme un problème à résoudre ou à anticiper, mais comme une chose à considérer et à visibiliser dans le design. C’est ce que nous avons tenté de faire dans notre travail, déjà cité ici, de paramètres pour mieux vivre avec la casse.
En 2020, pendant la pandémie et les débats autour de la 5G, nous enquêtions sur l’expérience des problèmes de connectivité rencontrés au quotidien (connexion instable, réseau saturé…). À l’exception de l’icône de réseau sur mobile, le design de nos appareils donne très peu à voir cette défaillance. Tout dysfonctionnement est pensé pour être géré par des techniciens, sans jamais être vraiment communiqué aux personnes impactées. Et en même temps cette connectivité prend une place importante dans la “présentation de soi” : des étudiants en fin de cursus, nous racontaient qu’une mauvaise connexion était associée à un risque d'une perte de crédibilité professionnelle.
Pourtant, des pistes alternatives existent. Au début des années 2000, Matthew Chalmers et ses collègues envisageaient le seamful design, un design qui “révèle les coutures”, c’est-à-dire les points de fragilité, les ruptures entre les médias et outils conçus comme un tout uniforme et soit disant sans problèmes. Le seamful design incorpore dans sa conception ces “coutures” pour nous rappeler la nature finie et physique du numérique. Pour que nous, usagers, puissions agir en connaissance de cette défaillance.

Dans ce jeu vidéo (2005) en plein air sur un campus britannique, les aléas de connectivité Wi-Fi deviennent un élément du jeu. L’absence de réseau permet de se cacher et d’éviter les voleurs, tandis que se rapprocher d’une borne permet de mettre son trésor à l’abri, tout risquant de se rendre visible par d’autres joueurs·euses.
Dans un autre style, les travaux de Josiah Hester, Hundred Rabbits, Jean-Cloud, ou ceux de Deuxfleurs font place à l’intermittence et à la possibilité de panne dans les infrastructures qu’ils et elles développent. De telles idées existent depuis longtemps dans le mouvement du collapse informatics ou du numérique pour le développement (ICT4D en anglais), mais restent souvent situées dans un futur effondré ou lointain.
L’an passé, nous avons encadré le travail de Master de Jonas Gaugain sur le “maintien de la casse” : une exploration des tactiques mises en place pour faire face aux dysfonctionnements de nos appareils et services numériques, comme par exemple le fait de manipuler le fil de ses écouteurs jusqu'à ce que le son ne grésille plus. Son travail met en lumière l'omniprésence de ces tactiques, et pose la question du moment où elle ne deviennent plus suffisantes.
Actus du projet Limites Numériques
Designers Éthiques lance la 2ème édition de la Journée de l’écoconception numérique le 6 février à Paris ! Cette année, notre Anaëlle proposera un atelier pour identifier les effets environnementaux indirects de choix de design. Et Thomas se baladera dans la ville pour rendre visible le numérique. Sans oublier, une petite surprise : une messe funéraire 🤔 qui reprend le meilleur du pire de la section “Sans Limites” de cette newsletter. Venez ça va être bien !
Nous publions une synthèse menée par Gaëlle Fret des luttes réglementaires autour de l’obsolescence logicielle.
Un atelier “Vivre sans smartphone ?” le 15 janvier à Lyon pour réfléchir à l’attachement / détachement de nos usages non souhaités. Contactez-nous pour plus d’infos.
Le replay de l’intervention de Thomas à Paris Web ou encore sur le podcast de la Mission Interministérielle du numérique écoresponsable.
Si vous voulez reproduire les balades des infrastructures numériques, nous avons documenté le format par ici. Merci à Gauthier Roussilhe et au Mouton Numérique.
Avec Adrien Luxey-Bitry nous avons contribué à l’expo “Numérique en eaux troubles” portée par Inria.
En vrac
La Chine bloque les exportations vers les États-Unis de gallium, de germanium, d'antimoine et autre minerais stratégiques pour la fabrication de semi-conducteurs.
Hop, pas besoin d’acheter un nouvel iPhone, il suffit d’une coque effet “dernier modèle”.
Ce serveur Minecraft est alimenté par énergie solaire ce qui impacte collectivement les manières de jouer : se déplacer en marchant consomme moins de batterie (et donc de durée d’activité du serveur) que de voler.
L’association la Quadrature du Net et le collectif Le nuage était sous nos pieds ont publié une enquête sur l’impact social et écologique des infrastructures numériques (data centers, câbles sous-marins… ) à Marseille et plus largement en France. L’enquête analyse l’accaparement des ressources essentielles (l’électricité, l’eau, le foncier) créant des pollutions diverses (fuites répétées de gaz fluorés à haut potentiel de réchauffement climatique, îlots de chaleur en centres-villes, utilisation d’eau potable en zones sujettes aux sécheresses…), ainsi que des conflits avec les autres usages de la population. Elle montre aussi comment, l’implantation de ces infrastructures est régie par des politiques qui privilégient les géants du numérique, et non les considérations sociales et environnementales des territoires et de leurs habitants.
Les Gafam abandonnent leurs prétendues revendications de neutralité carbone et font état d’augmentations parfois fortes de leurs émissions (+13% pour Google en 2023 et +20% pour Microsoft ) liées aux investissements pour l’IA générative. Cet article revient plus en détail sur leur empreinte.
Microsoft rétropédale et autorise le passage à Windows 11 pour les anciens ordinateurs.
Fini les écrans tactiles, les boutons physiques dans les voitures sont enfin de retour. Il a fallu tout ce temps pour se rendre compte qu’ils sont quand même bien plus accessibles et moins dangereux.
Sans limites 🙃
Bon, par contre la vente de TV taille XXL explose aux États-Unis.
Un lave-vaisselle où il faut s’abonner pour débloquer certains programmes.
D’ici 2030, l’IA pourrait augmenter le poids des déchets électroniques de 1 à 5 millions de tonnes.
On vous déconseille de jouer à ce jeu pour savoir jusqu’à quelle hauteur vous pouvez jeter votre téléphone…
Vu sur le forum Techologie :
Des cigarettes électroniques jetables avec écran et applications pour pousser à la consommation. Alors là c’est le grand chelem 2024.
Anecdotes
Julie nous a ramené un PowerBook de 1994 et on trouvait la corbeille pleine très mignonne, donc la voici.
Ps : Bon et ça fait longtemps qu’on se casse la tête sur une alternative à Substack sans succès. Si vous avez des idées on prend ! (Liste au père Noël : pas d’auto-hébergement, open source ou basé en UE, moins de 30€ par mois pour 5000 abonnés)
Je ne m'y connais pas trop en gestion de newsletters, mais en tirant sur le fil "open-source" on peut d'abord trouvé une liste de solutions https://www.opensourcealternative.to/category/email-marketing.
Le premier, Listmonk, est auto-héberger, mais on peut trouver des hébergeurs (par exemple https://ethibox.fr/listmonk)
Une autre solution, Kelia (https://www.keila.io/), propose l'hébergement en EU (et est aussi proposé par ethibox.fr).
Pour les 2 autres, Postal et Sendportal, je n'ai pas trouvé d'hébergeurs en qqs clicks...
https://www.magicpages.co/compiled/ pour host un ghost peut-être ?