Bonjour tout le monde ! Ce mois-ci on se penche sur la thématique du stockage et de l’hébergement. Bonne lecture !
Stockage, hébergement et réseau social
Vous n’avez pas pu y échapper, à l’automne, Elon Musk a racheté Twitter, entraînant un déménagement vers plusieurs alternatives dont Mastodon. Ce moment d’afflux a rendu visible tout le travail effectué pour maintenir les différents serveurs (nommés instances) du réseau social face à la vague d’inscriptions. Un travail technique, mais aussi communautaire. La question, entre autres, de la visibilité et du stockage revient alors sur le devant de la scène.
Contrairement à Twitter – qui invisibilise le coût de maintien de ses infrastructures et de l’accumulation de données associé à son modèle économique basé sur la vente de publicités ciblées – les instances Mastodon voient surgir cette problématique de manière aigüe : le volume de données stockées détermine en grande partie le coût de l'hébergement.
Pour l’instance mastodon.design sur laquelle nous sommes présents (Nolwenn & Thomas), cela se traduit concrètement par la nécessité de passer à une offre de stockage supérieure de 19$ à 39$ par mois. Des solutions ou palliatifs techniques existent pour mieux augmenter l’échelle. Mais cela ne fait que repousser le problème.
La revisibilisation du coût du stockage nous amène à discuter de la question du ménage et de l’entretien de nos espaces numériques : à l’échelle individuelle, Mastodon offre des options intéressantes comme programmer la suppression automatique des posts en fonction de certains paramètres (durée d’ancienneté, exceptions sur les posts le plus repartagés etc).
À l’échelle collective en revanche, cela reste peu pensé. Pour sensibiliser à ces questions Timothée Goguely, administrateur de mastodon.design, rend compte régulièrement de l’usage de l’espace disque dédié au stockage de notre instance. Il propose également sur la page d’accueil des conseils pour compresser ou éviter d’héberger des médias trop lourds.
Cette responsabilité portée au niveau individuel nécessite de réapprendre à porter attention à nos contenus alors que les plateformes nous ont habitué au contraire. Mais comment dépasser l’échelle individuelle pour penser ces questions ? À quoi ressemblerait un réseau social qui porte dans sa conception ces enjeux (on pense par exemple au projet artistique Minus.social où vous n’avez que 100 posts dans toute votre vie) ? Aujourd’hui le tableau de bord de Mastodon pour les administrateurs reste malheureusement focalisé sur des métriques de croissance.
Et au delà de ça, l’hébergement communal est-il synonyme ou non de sobriété ? À l'occasion de leur migration sur Mastodon, des chercheurs·euses en Science and Technology Studies ont débattu de l’établissement de formes d’hébergements alternatives (en) aux gros datacenters (les othernets), hébergement local, intermittent, qui ne passe pas à l’échelle, et autres pistes à explorer.
En vrac sur le stockage et l’hébergement :
Si on ne les croise pas dans notre quotidien, les cassettes de bandes magnétiques n’ont jamais disparu, elles sont utiles pour stocker d’énormes quantités de données (18 téraoctets par cassette).
Le développement du Cloud n’était pas un “donné”, il a même été combattu par de nombreuses DSI qui y voyaient une perte d’autonomie de leurs organisations. Dwayne Monroe revient sur l’amorçage du cloud. Un petit rappel que la réception des technologies varie souvent selon le contexte (historique, culturel, etc.) et que leur développement est rarement linéaire et souvent contingent.
Dans le serveur féministe et autogéré de Calafou on sépare les « données vivantes » qui doivent être accessibles en ligne à tout moment, des « données transitionnelles », dont on a besoin qu’un temps (comme un questionnaire pour un envoi de fichier), et « des données mortes », plus proches de l’archive. “Faire ça oblige à se demander quelles données on a vraiment besoin d’avoir en ligne et combien de temps”.
Dans ce fil twitter, Carlos Neollosa revient sur les problèmes rencontrés avec l’auto-hébergement de serveurs mails aujourd’hui, l’exemple le plus emblématique de techno décentralisée et rétro-compatible. Son fil montre que cela ne dépend pas que de soi mais aussi d’un environnement socio-technique plus global, ici lié au coût en calcul/énergie du traitement des spams.
Actus du projet Limites Numériques
Vivre avec un smartphone obsolète
Vous pouvez lire le mémoire de Léa Mosesso suite au travail d’enquête mené ces derniers mois : Vivre avec un smartphone obsolète – L’obsolescence des smartphones, diagnostic et stratégies de prolongement. Une version synthétique sera publiée dans les mois qui viennent, et un article académique est aussi en préparation.
L’Alter-design écologique du numérique
Nous lançons l’Alter-design écologique du numérique : un travail exploratoire pour analyser, critiquer et repenser les manières dont le numérique se présente à nous. Nous voulons mettre en lumière et analyser les choix en termes de formes, de mots, de métaphores et d’images qui conditionnent ce qu’on fait avec le numérique et ce qu’on en comprend.
Pour penser les formes d’un numérique plus écologique, nous devons remettre en question ces choix et en proposer des alternatives, qu’elles soient nouvelles ou bien qu’elles aient été laissées de côté historiquement.
Notre premier travail repose sur les représentations du stockage. Les manières d’en représenter la mémoire ou son organisation.
Dans la partie d’analyse, nous présentons quelques constats et leurs effets tels que :
Le poids des contenus est difficilement représenté et il n’est question de stockage dans les interfaces qu’au moment où il y en a plus.
La disparition progressive de la métaphore du bureau, avec son organisation en dossiers et fichiers participe de l’invisibilisation du stockage. Sur smartphone en particulier, la dissociation entre ce qui se passe à l’écran et techniquement freine des pratiques de maintenance et de ménage.
Les plateformes opèrent une invisibilisation trompeuse du poids quand celui-ci n’est pas compris dans l’offre commerciale.
On conclut avec quelques premières pistes d’alternatives pour représenter le stockage et ses ordres de grandeurs de manière plus sensible ou encore travailler les pratiques d’auto-suppression. Vos retours et idées sont les bienvenus !
Prochain travail avec la barre de chargement !
Obsolescence
Ces derniers temps la disponibilité des mises à jour semble devenir un argument de vente pour les vendeurs de smartphones :
Samsung s’associe avec iFixit pour faciliter la réparation de ses téléphones, et cela pourrait s’étendre à leur montres et écouteurs sans fils. Tout ça s’accompagne du dépôt d’une marque pour le “self repair assistant”.
iFixit lance le championnat du monde de la réparation auquel vous pouvez participer.
Bonne nouvelle, nous gardons nos smartphones plus longtemps. En France c’est 36 mois contre 24 mois il y a 5 ans (soit la durée d’engagement d’un forfait mobile). Plusieurs raisons : l’inflation bien sûr, la hausse du budget à l’achat (+7%) mais aussi une augmentation de la durée d’usage.
Apple augmente le prix des batteries au 1e mars (en) et complique leur remplacement (via du blocage logiciel) pour pousser à acheter la garantie maison.
Sans limites
Le Pire du CES par iFixit : comme ce téléviseur sur batterie que l’on accroche au mur ou ces écouteurs sans fils (déjà pas bien écologiques) avec écran.
Apple en justice pour ne pas avoir prévenu que des mises à jour sur certains iPhones ralentissaient considérablement les performances.
Plainte de l’association HOP contre Apple encore pour obsolescence programmée et entraves à la réparation.
Un article sur des choix de fonctionnalités énergétiquement problématiques qu’a fait YouTube en terme d’interface et qui sont activés par défaut. Par exemple le mode sombre s’accompagne d’une fonction consommatrice en calcul : l’“éclairage de cinéma” qui projette en temps réel un fondu des couleurs sur les bords mais dont l’effet est principalement derrière la vidéo... ; ou encore la lecture automatique des vignettes au passage de la souris souvent de manière accidentelle et où tout est re-téléchargé à chaque passage. On y apprend également que la plateforme diffuse les flux audio et vidéo séparément. Ce qui permettrait techniquement de ne pas télécharger la vidéo quand les utilisateurs écoutent de la musique sur la plateforme mais qu’elle se réserve le droit de le faire uniquement sur sa version Premium.
Pour connecter les derniers 5% on va polluer le ciel.
Anecdotes
(N’hésitez pas à nous envoyer les vôtres !)
Dans cette newsletter l’auteur décrit un exemple de “longcourci” pour désigner le chemin – pas forcément efficace (ni le plus léger) mais le plus naturel – que prend une collégienne pour prendre une note sur son téléphone :
“après avoir ouvert Snapchat, elle a pris une photo avec son doigt sur la caméra pour obtenir un fond noir, elle a ensuite pris ses notes sur la photo, comme on écrit du texte sur une story Instagram, puis a fait une capture d’écran du tout.“.
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