Bonjour tout le monde, ce mois-ci un peu de poussière, on creuse du côté des matières premières du numérique.
🇬🇧 And before we start : the newsletter is now also in english ! (here is the RSS feed).
⛏️ Matérialité et extraction
Sur les 94 éléments présents à l’état naturel sur Terre, une cinquantaine sont utilisés pour la fabrication de nos appareils électroniques. Cet article nous explique à quoi ils servent dans nos processeurs, nos disques durs etc.
Mais penchons nous sur l’extraction de quelques matériaux essentiels du numérique, notamment à la production des batteries.
Lithium et cuivre : Nous avons rencontré Paul Lemaire, journaliste photographe ayant enquêté au Chili sur la plus grande mine à ciel ouvert du monde. Son travail photo est ici. Il y raconte la dépendance économique du pays et des populations aux activités extractives de cuivre et de lithium. Mais aussi ce qu’elles produisent comme effets néfastes et bien connus sur leur territoire et la santé des habitants. Cet article de la revue Hérodote en parle également très bien.
Un sujet de plus en plus brûlant : il y a deux semaines, le président chilien annonçait la volonté de l’état de prendre le contrôle de l’industrie du Lithium. Quant au territoire français l’extraction du lithium est aussi sur le devant de la scène.
Nickel : son extraction en Indonésie (1e producteur mondial), cause une pollution massive de l’air, des sols et de l’eau aux conséquences importantes sur la santé des habitants ainsi que la faune et la flore locale. Cette extraction, principalement destinée aux batteries des véhicules électriques Chinois, croise des enjeux géopolitiques forts : les États Unis ont décidé d’exclure le nickel Indonésien des aides du Inflation Reduction Act (IRA), à la fois pour des raisons écologiques et d’influence chinoise. Du côté de la Nouvelle Calédonie, son extraction est l’objet de luttes entre métropole, entreprises minières, et populations locales et autochtones.
Cobalt : Ce documentaire d’Arte met en regard extraction au Congo et Finlande. En évitant certains clichés, il met en lumière les différences mais aussi les similarités du comportement des activités minières. Il est expliqué entre autre que l’extraction industrielle du cobalt est un sous-produit de l’extraction du cuivre. Les mines artisanales sont alors les seules à pouvoir répondre à des variations de la demande mondiale et ce, seulement dans les régions d’hyper-concentration du minerai qu’on ne retrouve qu’au Congo.
En 2021 a eu lieu l’événement “Articuler les justices numérique et environnementale: un dialogue Nord-Sud”. Le rapport des échanges (pdf) pose les enjeux de l’extraction de minerai et ses conséquences environnementales, mais esquisse aussi les formes (et les limites) d’une numérisation plus juste et durable.
Actus du projet Limites Numériques
Nous publions la première phase d’un travail visant à repenser des paramètres écologiques sur mobile. Pourquoi sur smartphone ? Car il nous semble que les enjeux de la paramétrisation y sont plus forts, là où les concepteurs·rices ont tendance à plutôt en réduire les marges de manœuvre. Sans oublier le renouvellement fréquent de ces appareils et les enjeux en terme de données. Mené par Camille Adam et Thomas Thibault, nous avons enquêté pour savoir comment les applications nous permettent d’avoir la main ou non sur ce qu’elles calculent, quand elles envoient de données, ou ce qu’elles font de nos usages. Voici quelques enseignements clés issus de l’article, l’insoucis écologique des paramètres :
Les paramètres ne sont jamais pensés avec une intention écologique. Même si des paramètres pourraient avoir une influence sur les impacts, il sont presque toujours présentés sous l’angle de la performance ou de l’économie financière.
Il est difficile de comprendre ou percevoir l’effet des paramètres. La faute à un vocabulaire simpliste ou ambigüe. Par exemple, activer ou désactiver l’économiseur de données ne nous renseigne pas sur ce que sont ces “données” et quelle quantité est économisée. Sur Spotify il est possible de choisir une qualité de contenu (Très élevée, haute ou normale) sans vraiment percevoir l’ordre de grandeur ou si cette différence est réellement perceptible à l’oreille humaine (spoiler : elle ne l’est quasi pas).
Le choix par défaut des paramètres est toujours l’option la plus consommatrice et performante. Ce qui pose un problème dans la mesure où il est rare que nous pensions à changer nos paramètres. Les nouvelles fonctionnalités sont également activées par défaut sans qu’on en soit averti.
Chaque application a sa propre manière d’organiser et nommer ses paramètres (parfois bizarrement), rendant difficile leur accès et donc de potentielles pratiques plus écologiques.
Les applications propriétaires offrent moins de paramétrages que leurs alternatives libres. Notamment parce qu’ils entrent en conflit avec leurs objectifs économiques. NewPipe, l’alternative libre permettant de lire les vidéos YouTube propose un bien plus large panel de paramètres et de fonctions comme celle de ne pas télécharger le flux vidéo.
Pour faire suite à cette enquête, un cahier d’idée sur la paramétrisation écologique est en cours. Nous le présenterons en avant-première à deux évènements :
Le 26 mai à Lille pendant le Devfest Lille.
Le 20 juin à Nantes lors de l’évènement Mobilis in Mobile.
Nous serons à Rennes pour l’International Conference on Information and Communications Technology for Sustainability la semaine du 5 juin. Léa Mosesso y présentera notre article “Obsolescence Paths: living with aging devices”, Edlira Nano participera au doctoral symposium, et vous pourrez nous croiser dans divers workshops.
Le replay du Forum Écologie et Numérique où nous sommes intervenus.
Sans limites 🙃
Apple a déposé un brevet pour des airpods autonomes avec écran intégré.
Un article sur les déconvenues d’informaticiens s’attaquant à la soutenabilité du numérique dans des sociétés de services.
En vrac
La mise à l’arrêt de la 2G puis de la 3G à partir de 2025 va rendre obsolète de nombreux appareils comme des téléphones, des ascenseurs, des défibrillateurs… Nous poussant à acheter de nouveaux équipements.
Chrome introduit des fonctions d’économie de mémoire et de batterie sur son navigateur.
De son côté Windows 11 déclenche ses mises à jour quand l’énergie est moins carbonée, et ajuste ses paramètres d’économie d’énergie par défaut pour être plus économe. Mais par contre toujours rien pour prolonger la fin du support de Windows 10 prévu dans 2 ans…
Le géant CATL (plus grand fabriquant de batteries pour véhicule électrique au monde) annonce être capable de produire des batteries au Sodium ce qui pourrait diminuer la pression sur le Lithium.
En Norvège, des tensions sur l’accès à l’énergie entre producteur d’armes et un data center de TikTok.
L’ARCEP et l’ADEME ont publié le 3ème volet de l’étude sur l’empreinte du numérique. Vous avons transformé certaines données en visualisations par ici.
Empreinte carbone du numérique en France 🟩 → Réseau 🟦🟦🟦 → Datacenter 🟪🟪🟪🟪🟪🟪🟪🟪🟪🟪🟪🟪🟪🟪🟪🟪 → Terminaux
Encore une fois les données convergent vers un impact majoritaire de la fabrication des équipements. L’étude propose ensuite 4 scénarios prospectifs de l’empreinte du numérique pour la France.
Dans le 1er scénario où rien n’est fait, l’empreinte est triplée d’ici 2050.
Le 2ème et 3ème scénario font eux le pari de l’écoconception (accroissement de la durée de vie des appareils et meilleure efficacité énergétique). Dans le meilleurs des cas ils amènent à une stabilisation de l’empreinte du secteur. La faute principal à l’augmentation croissante du nombre d’équipements. Bref c’est le fameux effet rebond.
Enfin le 4ème scénario est le seul qui conclu à une réduction des impacts du numérique en alliant éco-conception généralisée et une stabilisation du nombre d’équipements comparé à 2020.
L’association HOP regrette néanmoins que le scénario le plus ambitieux soit loin des objectifs de réduction du secteur en ne proposant qu’une stabilisation du parc d’équipement et non un scénario de diminution.
C’est tout pour cette fois-ci, à bientôt !