Bonjour, dernier numéro avant la déconnexion estivale ! Ce mois-ci un petit focus sur les composants de nos appareils et infrastructures numériques.
🤖 Composants électroniques
Commençons à ouvrir le sujet par un livre qu’on aime bien : Open Circuits présente de superbes photos de coupe de divers composants et en explique le fonctionnement. Une ressource utile pour percer la boîte noire de nos objets numériques.
Fabriquer des équipements numériques tels qu’un smartphone nécessite un nombre conséquent d’entreprises à travers le monde. De l’extraction des matières premières à la fabrication des composants puis leur assemblage, c’est près de 100 fournisseurs (pour un Fairphone) à 200 (pour un iPhone) jouant chacun un rôle sur toute la chaîne d’approvisionnement. Manifest et SourceMap en cartographient les flux.
Dans cette enquête, les auteurs analysent l’empreinte environnementale de la fabrication des composants à Taïwan, dont la nature insulaire facilite l’analyse des flux entrants et sortants. Parmi les 16 fabricants étudiés, la consommation d’énergie aurait augmenté de 9% et la consommation d’eau de 6% de 2015 à 2020. Ceci, à rebours des objectifs climatiques de l’État, mais qui lui permet de garantir une protection géopolitique temporaire par sa capacité unique à produire ces composants en quantité.
Selon ce rapport de Greenpeace, la consommation électrique de l’industrie mondiale des semi-conducteurs (nécessaire à la fabrication des appareils électroniques) est prévue de doubler d’ici 2030, pour atteindre l’équivalent de la consommation électrique de l’Australie.
En Isère la création d’une usine de production de puces, s’inscrit dans une stratégie européenne pour limiter notre dépendance aux États-unis et à l’Asie mais est aussi l’objet de controverses sur sa consommation d’eau. Nous reviendrons dessus dans la prochaine édition qui traitera justement de l’eau.
Les composants les plus complexes d’aujourd’hui embarquent souvent des programmes (appelés firmware) voire même des systèmes d’exploitations entiers. Utiles pour piloter et donner de la flexibilité d’usage sur le matériel, ils offrent aussi la possibilité aux fabricants d’en bloquer le fonctionnement. C’est le cas du scandale des enceintes Sonos qui se verrouillaient si vous achetiez un nouveau modèle (nous demandez pas la logique…). Ouvrir le code de ces firmwares est un enjeu crucial, nous rappelle cet article [en], pour favoriser la maintenance, la longévité et la sécurité des objets numériques. Surtout quand leurs fabricants ne les maintiennent plus à jour.
L’ami Gauthier Roussilhe réalise des schémas pédagogiques des infrastructures du numérique. Par exemple sur la fabrication de composants électroniques ou encore la pose de câbles sous-marins.
Un reportage photo pour nous plonger dans les différents marchés de produits et composants électroniques de différentes villes du monde.
Actu du projet Limites Numériques
Une conférence de Thomas au Devfest Lille pour présenter notre enquête sur la paramétrisation écologique et quelques pistes de design.
Notre article Chemin d’obsolescence : vivre avec un dispositif vieillissant est en ligne, on y décrit les facteurs qui génèrent le sentiment d’obsolescence des smartphones auprès de leur propriétaire ainsi que les stratégies mises en place pour vivre avec leur appareil vieillissant. L’article est en anglais mais une présentation en français par Léa est visionnable ici.
Obsolescence
Ce musée en ligne fait une liste des supports média considérés comme obsolètes.
Quels sont les smartphones les plus faciles à réparer chez soi ? Ce site a fait le classement en comparant 228 modèles. Résultats : Les appareils d’avant 2016 sont en moyenne plus faciles à réparer avec la marque Sony dans les plus mauvais élèves et Asus dans les meilleurs. Attention néanmoins au biais de sélection (Fairphone n’y figure pas par exemple).
Régulation
De nombreux efforts de régulation sont en cours au niveau européen. Que ce soit pour freiner le greenwashing ou contraindre l’éco-conception des smartphones. Pour la coalition Right To Repair ce mouvement est positif mais reste trop insuffisant, notamment sur la question des coûts des réparations qui n’est pas abordée.
Sans limites 🙃
Rendre le remplissage de sa gourde au robinet plus polluant ? Rien de plus simple : ajoutez un écran, quelques capteurs et une application pour traquer toutes vos gorgées.
En Irlande les data centers consomment maintenant autant en électricité que l’ensemble de l’habitat urbain du pays.
Si vous ne mettez pas à jour votre Photoshop, Adobe peut vous menacer de poursuites. Rien que ça.
Aux États Unis, Google équipe de nombreuses écoles avec ses ordinateurs portables. Mais l’arrêt des mises à jour risque de les obliger à en mettre des millions à la poubelle.
En vrac
Dans la revue Arep on apprend que certains métaux précieux tels que l’or, l’argent ou le palladium sont bien plus concentrés dans nos smartphones que dans les mines (ce qui explique pourquoi ce sont quasi les seuls métaux que nous récupérons). Cependant pas mal de métaux rares sont bien moins concentrés dans nos appareils que dans les mines, pire certains ont une concentration encore plus faible qu’un morceau de terre ordinaire. Ce qui explique la très faible quantité de matière réellement recyclée.
Selon cette étude la plupart des gens ne perçoivent pas la différence entre une qualité Haute Définition et Ultra Haute Définition (4k). Ça nous donne envie de vous partager cette vidéo critique assez drôle de la 4K. On peut également se poser la question des autres qualités de contenu présentés bien plus comme argument commercial que réelle valeur ajoutée. Par exemple nous pointons souvent que la différence de qualité audio entre normal et élevée ou très élevée sur Spotify est imperceptible pour la plupart des personnes et de leur matériel.
Quand on parle de déchets électroniques, on a souvent en tête les images de l’immense décharge à ciel ouvert d’Agbogbloshie au Ghana. Et c’est normal, ces photos ont été largement médiatisées. La décharge est devenue un lieu emblématique du sujet des déchets et des relations nord/sud. Et pourtant elles nous en donnent une mauvaise compréhension de ce qui s’y passe réellement. En 2016, Jenna Burrell critiquait déjà cette couverture exagérée ou partielle, omettant de parler de l’ensemble de la chaîne : des magasins de reconditionnement, à ceux de revente, en passant par tous ces lieux où finissent, non pas des déchets, mais bien du matériel. Car seulement 15% des équipements arrivant au pays seraient irréparables. Plus récemment, African Arguments fait état des effets du “regard occidental” sur le quartier Agbogbloshie : la décharge a été rasée, les travailleurs déplacés de force, les marchandises détruites. C’est toute cette filière, source vitale de revenus et d’industrie qui est déstructurée, sans traiter aucun des problèmes.