Nous revoici !
Vous semblez être un certain nombre à attendre qu’on parle d’intelligence artificielle. Comme bien d’autres sujets abordés ici, une centaine d’infolettres n’en viendraient pas à bout. Commençons quand même avec ce numéro qui ne sera sûrement pas le dernier.
📈 Intelligence Artificielle :
l’hypercroissance du numérique
Nous avons largement dépeint ici les impacts écologiques du secteur du numérique. L’intelligence artificielle – parce que numérique – n’y échappe pas et nous ne reviendrons pas sur l’ensemble de ces effets : eau, ressources minières, énergie, déchets, co2 etc.
Car oui, comme toute infrastructure l’IA pollue. Mais les raisons pour lesquelles elle nous inquiète sont plutôt à regarder du côté de sa croissance. Quand on parle d’IA aujourd’hui, il est surtout question d’apprentissage machine basé sur de grands modèles comme ChatGPT ou MidJourney, dont les besoins massifs en données et en calcul pousse un secteur – le numérique – qui croît déjà beaucoup trop vite à accélérer encore. Cette hypercroissance se révèle en particulier dans deux industries : celle des data centers et des équipements qui les constituent pour le calcul, le stockage, la communication. Les modèles d’IA s’appuient notamment sur des processeurs graphiques (GPU) que doivent installer les data centers qui utilisaient jusque là les processeurs CPU. Si la loi de Moore passait par la miniaturisation, elle semblerait passer maintenant par son opposée en assemblant des choses de plus en plus grosses : les unités composant les data-centers deviennent des ordinateurs géants dont la puissance double à intervalle régulier. Outre le faire de devoir tout changer, et de mettre devant le fait accompli, les GPU nécessitent bien plus de puissance électrique mais aussi d’eau pour les refroidir. Les acteurs comme Meta doit ainsi revoir la construction de ses centres et ne tiendra pas ses promesses de décarbonation. Et ce n’est que le début si l’on continue dans cette voie.
Comme l’explique très bien l’ami Gauthier Roussilhe, prédire est un exercice périlleux, et de nombreux acteurs ont tout intérêt à nous convaincre qu’ils vont croître même si la réalité peut différer. Nous sommes vraisemblablement dans une bulle, et le jour où il faudra payer pour tout ces services émergents, elle risque de se dégonfler. Voici toutefois quelques effets possibles en guise d’aperçus potentiels :
Une croissance dans les investissements :
Google, Microsoft et Amazon ont prévu d’augmenter de 50% leurs investissements dans le matériel et les infrastructures cloud sur les 3 ans qui viennent. Les trois cumulés pourraient atteindre 116 milliards de dollars en 2024.
Nvidia, principal fournisseur des processeurs, voit ses revenus augmenter de 400% sur le segment data center.
Une croissance dans la puissance :
Les géants veulent tripler d’ici à 6 ans leur capacité de calcul et de stockage.
Nvidia prévoit dans son rapport aux investisseurs de multiplier sa puissance globale de 275 tous les 2 ans contre 8 depuis 10 ans.
Une croissance en demande énergétique :
Le directeur d’OpenAI, Sam Altman, admet lui-même au forum de Davos que l’industrie se dirige vers une crise énergétique.
La phase d’entrainement des modèles est souvent la plus coûteuse en ressources. Pour GPT-3 elle équivaut à la consommation annuelle de 130 maisons aux États-Unis.
Aujourd’hui cette demande globale en énergie équivaut à de petits pays. En 2027 elle équivaudrait à la consommation de pays comme l’Argentine ou les Pays-Bas.
La consommation globale des data centers pourrait carrément doubler d’ici 2 ans.
Une croissance en eau :
En 2027 on estime une consommation en eau équivalente à la moitié du Royaume-Uni. Bien que ça soit moins que d’autres industries, cette augmentation reste problématique dans un avenir où sécheresses et pressions hydriques se feront de plus en plus fréquentes.
Nous pourrions continuer cette liste sur 10 pages (on a commencé mais on vous l’épargne 😊). Bien que les tentatives de calcul peuvent être sujettes à controverse, la plupart se centrent principalement sur l’entrainement ou l’usage des modèles en oubliant toute la chaine de production et ses effets indirects, mais pas toutes, comme cette analyse de BLOOM.
Ce qui nous pose surtout question, c’est l’absence de débat démocratique pour se demander si ce choix technologique et la pollution associée en valent la chandelle quant aux enjeux climato-écologiques qu’on connait. Car l’engouement pour l’IA réoriente aussi massivement les investissements qui auraient pu servir à la cause climatique et tend plutôt à les éclipser.
Actu du projet Limites Numériques
Un peu de rattrapage des derniers mois :
Nous avons collaboré avec le média Vert et l’Ademe pour réaliser un poster de quelques chiffres sur l’empreinte du numérique. À commander ou imprimer sans modération.
Le replay de notre intervention à la journée de l’écoconception numérique organisé par Designers Éthiques. Léa parle de perception de l’obsolescence et Thomas de paramètres écologiques. Et pour la team #chocolatine voici ici un replay du même sujet, mais à Bordeaux.
Léa a reçu le prix du mémoire décerné par le Conseil National du Numérique pour son travail “Vivre avec un smartphone obsolète”. Bravo à elle !
Nous avons participé à la rédaction de ce guide pratique sur l’écoconception par le Club de la Durabilité et présenté à un colloque à l’Assemblée Nationale en février.
Quelques unes de nos idées dans quelques articles du Monde : Six solutions concrètes pour rendre nos appareils électroniques plus durables et Comment diminuer l’impact carbone de nos pratiques numériques.
Nous serons aux UX Days le 20 juin à Paris.
Régulation
La France abandonne son indice de durabilité malheureusement au profit de l’étiquette énergétique de l’Union Européenne, beaucoup moins ambitieuse. Cette dernière ne prenant pas en compte par exemple le critère de prix des pièces détachées, pourtant principal frein à la réparation.
Sans limites 🙃
Les déchets électroniques augmentent 5 fois plus vite que leur recyclage. En 2022 cette montagne de e-déchets pourrait remplir assez de gros poids-lourds pour faire le tour de la planète (en les collants bien les uns à la suite des autres) 🚚, soit une augmentation de 82% par rapport à 2010, pour atteindre 82 millions de tonnes en 2030 (+32%).
En vrac
Une version de Windows épurée et plus performante.
Une simple intégration d’une vidéo YouTube sur un site web pèse, sans la vidéo elle-même, plus d’1Mo.
La consommation électrique des data centers en Union Européenne est estimée à environ 2% de la consommation totale électrique.
Fairphone publie les plans de l’électronique de son dernier smartphone. Et c’est assez rare.
Si vous vous demandiez bien évidemment quand est ce qu’envoyer un pigeon est plus rapide que votre internet, voici un schéma :
Le Damaged Earth Catalog présente un glossaire de numériques alternatifs.
Designers Éthiques lance l’Index de la conception responsable pour proposer des bonnes pratiques (d’écoconception mais pas que) sous forme de checklist d’après plusieurs référentiels.
Un petit tour dans le dernier data center d’Infomaniak qui arrive a récupérer l’ensemble de la chaleur du site pour la ré-injecter dans le réseau de chauffage de la ville autour.
Vous êtes assez vieux pour vous souvenir des fashion-phones ? Le podcast Our friend the computer raconte leur histoire et le rôle de l’apparence dans l’obsolescence, notamment autour du téléphone l’Amour de Nokia.
Anecdotes
Nouvelle mobilité douce :
Marie en mode économie d’énergie maximale.
Une réflexion des amis de Deux Fleurs : garder un appareil 5 ans c’est facile, mais dépasser les 10 ans c’est une autre histoire.
C’est tout pour cette fois-ci, n’oubliez pas de nous suivre sur Mastodon, Instagram, Linkedin.
Bravo pour ce numéro !
La loi empirique de Moore est aussi au centre du premier volet du dernier numéro (le 145) de Muzeodrome.